Abel : L’a-mort

Partition

Lien vers vidéo du concert de la création par Quasar

Notice du compositeur

Abel : l’a-mort est une œuvre développée à partir de matériaux provenant de ma « proposition opératique » L’hypothèse Caïn, dont le livret a été écrit par Alain Fournier. Dans cette relecture du mythe de Caïn et Abel, si le premier tue toujours son frère, il le fait par accident plus que par jalousie. Ici, c’est plutôt Abel qui est jaloux de son frère, jaloux de l’amour charnel et tendre que Caïn vit avec sa sœur Adah, alors que lui-même se soumet aux délires d’Ève, leur mère, qui vit terrifiée par Dieu depuis le châtiment qu’elle et Adam auraient subi lors de l’expulsion du paradis terrestre.

Déjà partie majeure de l’orchestration dans L’hypothèse Caïn, le quatuor de saxophone reprend ici les lentes descentes chromatiques en quart de tons qu’il jouait dans la scène accompagnant la mort d’Abel. Elles sont le symbole de la vie qui quitte peu à peu son corps. J’ai choisi d’insérer au milieu de ces descentes un arrangement de la musique de la scène d’amour entre Caïn et Adah, une scène dont Abel est témoin et qui l’amènera à poser un geste provoquant la colère funeste de son frère. [Abel accomplit en effet un sacrifice sanglant que Caïn se refuse de faire.] La musique de cette scène d’amour, formée comme une grande arche, est écrite en microtonalité « naturelle » (avec des altérations en quarts, cinquièmes et sixièmes de ton).

En guise d’introduction aux descentes chromatiques initiales, j’ai choisi de diffuser l’enregistrement des quelques secondes de la scène où Caïn, furieux, pousse violemment son frère et provoque involontairement sa mort.

Le titre, Abel : l’a-mort, avec son privatif a, joue sur l’ambiguïté de l’amour et de la mort évoqués ici. L’amour, plutôt que la peur et la soumission, aurait peut-être pu sauver Abel de la mort.

Il est souhaitable que la pièce soit exécutée dans un lieu très réverbérant, ou en utilisant une réverbération artificielle évoquant ce lieu.

Ce quatuor est amicalement dédié aux membres du quatuor de saxophones Quasar, dont l’extraordinaire travail en faveur de la création musicale ne cesse de susciter l’admiration. Je les remercie également d’avoir autorisé la publication de la vidéo de la création de l’œuvre.

Michel Gonneville

décembre 2022