Cantate de la dette perpétuelle
Texte : Laurie Damme-Gonneville
Musique : Michel Gonneville
Pour 3 chanteurs, 3 percussionnistes et un ensemble de 9 musiciens.
Commande de l’Ensemble Aventa, direction William Linwood, soutenue par une subvention du programme de Commandes de compositions canadiennes du Conseil des Arts du Canada.
(avec l’aimable autorisation de l’Ensemble Aventa, dir. Bill Linwood (solistes : Anne Grimm, soprano; Patricia Green, mezzo; Vincent Ranallo, baryton)
avec l’aimable autorisation de Laurie Damme-Gonneville
Notes de programme
Le Québec tout entier a été bouleversé par les manifestations étudiantes tenues pour protester contre la hausse des droits de scolarité décrétée par le gouvernement libéral de la province, au printemps 2012. Pendant cette crise et encore après elle, beaucoup d’information ont circulé pour alimenter le débat sur l’éducation, sa valeur et son coût, chez nous et ailleurs dans le monde. Un article prédisait même que la prochaine crise financière aux USA éclaterait à cause de la spéculation déjà active s’effectuant sur la dette étudiante dans ce pays, à l’instar de celle sur les hypothèques en 2008.
Comme professeur de Conservatoire, j’ai été intimement mêlé à une version locale de cette crise. La découverte subséquente – pure coïncidence – des conférences de Margaret Atwood (Payback. Debt or the shadow Side of Wealth) à travers le documentaire éponyme de Jennifer Baichwal, m’a convaincu que la nouvelle œuvre vocale que me commandait l’Ensemble Aventa de Victoria devait être basée sur une approche de ce thème de la Dette. Mais plus que de la « simple » dette monétaire, c’est au sujet de celle due aux parents, aux professeurs, aux politiciens, à une contrée d’adoption, à des employeurs, à des amants ou amantes… qu’il fallait parler et chanter, en gardant en tête que ces « créanciers » dépendent de leurs débiteurs en une chaîne infini d’insolvabilité mutuelle.
Ma fille Laurie, qui avait déjà été une collaboratrice efficace et remarquable pour nos Microphone Songs, m’avait proposé de s’impliquer pour la composition du texte de cette Cantate. Elle s’empara immédiatement du sujet et me gratifia d’un scénario et d’un texte très inspirant, à partir des quelques repères musicaux que j’avais en tête pour cette cantate dramatique.
Il en est résulté ce périple d’une femme (la soprano) et ses visites. Elle marche d’abord jusque chez un homme (le baryton) qui incarnera successivement un père, un professeur et un politicien, puis elle s’envole jusque chez une autre femme (la mezzo-soprano), tout à tour agente des services d’immigration, employeure et amante. Si la soprano tente de fuir l’héritage trop lourd que lui lèguent les premiers personnages, elle cherche au contraire à se montrer digne des grâces que ces citoyennes de la contrée d’accueil lui ont déjà accordées.
Le voyage de retour est une sorte « d’introflexion ». Tant la fuite des créanciers que la complaisance à leur endroit sont inutiles dans un système sociétal fait de dette interpersonnelle, intergénérationnelle et internationale, toutes perpétuelles et qui ne pourront jamais être remboursées. Le solo et le chœur finaux reconnaissent ce fait évident, avec la métaphore d’appels téléphoniques multiples, évocateurs de la volonté de maintenir le lien communicationnel entre débiteur et créancier, à jamais mutuellement dépendants.
Musicalement, cette Cantate ne doit que subliminalement aux courants actuels (dont j’apprécie pourtant la plupart des propositions). Comme d’autres de mes œuvres, elle chante et joue avec des modes, des rythmes, des contrepoints. Peu de techniques ou modes de jeux spéciaux, ou d’explorations timbrales pour elles-mêmes. Bach, Stravinsky, Webern et plusieurs autres modèles « flottent dans les airs », comme d’éternels et bienveillants créanciers…
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Cantata of the unredeemable Debt
Text : Laurie Damme-Gonneville
Music : Michel Gonneville
For 3 Singers, 3 percussionists, and an ensemble of 9 instruments.
A work commissionned by the Aventa Ensemble, directed by William Linwood, with the support of the Canada Council for the Arts (Commissioning of Canadian Compositions).
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During the spring of 2012, the whole of Quebec society was stirred and put under question by a 4-months long student protest against the tuition fee hike proposed by the liberal government of the province. Ever since, a lot of media attention has been focussing on the continuing debate of education, its value and its costs, at home as well as abroad. Some even predict that the next financial crisis in the US will be ascribable to the financial speculation exerted upon the immense mass of American student loans, which is imposing a considerable burden on the middle class of that country.
As a Conservatory teacher, I was personally involved in a local version of this crisis. The subsequent, and purely coincidental, discovery of Jennifer Baichwal’s documentary film: Payback. Debt or the shadow Side of Wealth, following Margaret Atwood’s Massey lectures on the subject, convinced me thoroughly that the vocal work commissioned to me by the Victoria-based Aventa Ensemble should be based on a treatment of this theme of Debt. But beyond the mere financial debt, it should talk and sing about the one owed to parents, teachers, politicians, adoptive country, employers, lovers…, who, as creditors, are in fact as much indebted to their debtors, in an unending chain of mutual and unredeemable dependence.
My daughter Laurie, already a splendid and efficient collaborator for the three Microphone Songs, had proposed to help with the text of this new work. She immediately embraced the subject and presented me with a very inspiring storyline and text that, along the few musical guidelines I initially had in mind, was to become a dramatic cantata.
And so came the Voyages of a woman (the soprano) and her Visits, first walking to a man (the barytone) impersonating a Father, a Teacher and a Politician, then flying to a foreign country to a woman (the mezzo-soprano), successively an immigration Agent, an Employer and a Lover. After fleeing from the weighty heritage of the first three characters, she then tries to be worthy of the gifts of her adoptive land.
The trip back home conveys a slow “introflection”. Both efforts, fleeing and obligingness, are useless in the face of a societal system of interpersonal, intergenerational and international debt, perpetual and never to be redeemed. The final solo and chorus recognize this simple fact, suggested by a will to maintain communication between debtor and creditor, forever mutually dependent.
Musically, this Cantata owes nothing but subliminal ties to current trends (whose outputs I very often appreciate, however). Like other works of mine, it sings and plays modally, metrically, contrapuntally. No or few extended techniques, nor timbral explorations are used, per se. Bach, Stravinsky, Webern and other models “hang in the clean air”, like eternal and benevolent creditors……