HoMa
Pour 24 vents, 5 percussions et grand orgue
avec l’aimable autorisation des interprètes (Ensemble de la Société de musique contemporaine du Québec, dir. Walter Boudreau)
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HoMa : abréviation de plus en plus fréquentée pour désigner le quartier montréalais d’Hochelaga-Maisonneuve. L’œuvre commandée par la SMCQ devait y être créée. Les circonstances en ayant décidé autrement, la thématique suivante est quand même restée.
Hochelaga : bourgade amérindienne, probablement iroquoienne, que Cartier visita et qui disparut peu après. L’Autochtone. Le rapport (plus immédiat ?) de sa culture et de sa « religion » à la Nature. Forme de cette 1ère partie : procession d’entrée des Vents avec, en guise d’étapes, deux séquences d’oiseaux totems de clans (aux Bois : mélange d’influences de Merle d’Amérique, de Viréo de Philadelphie et de Pouillot véloce; aux Cuivres : série inspirée de 3 rapaces nocturnes – Grand Duc, Petite Nyctale, Chouette rayée – et des aboiements du Grand Héron).
Maisonneuve : la fondation de Ville-Marie est placée sous le signe de la religion institutionnalisée, du projet de conversion des « Sauvages », avec le commerce en contrepoint. Raffinement presque abstrait de l’Européen. Progression de cette 2e partie : l’orgue, muet jusqu’alors, commence à déclamer ses sermons, successifs puis superposés, sur la spirale des gémissements des morts et des douleurs de l’enfer – logique imparable, rhétorique répétitive du prosélytisme –, discours auxquels la « nation » des Vents, d’abord attentive, finit par réagir.
Où ce choc des cultures pouvait-il, pourrait-il mener ?
« Yesterday is History, Tomorrow is Mystery. Today is a Gift, a Present » (lu dans un cahier des visiteurs du Musée d’anthropologie de Vancouver).
Le Futur est un Silence que l’Intuition (ou l’âme ?) peut entendre. Entretemps, il reste donc le Présent qui nous est donné : le troc, le commerce, la négociation, les échanges, le dialogue, où l’on met sur la table ce que l’on a, ce que l’on est. C’est la 3e partie : alternances, « hoquets », imbrications, métissages mélodiques. L’un et l’autre en sortent transformés. Qui est qui ?
Comment conclure si ce n’est que par quelques bouffées de calumet, et par le don d’un wampum ?
C’est dans une église qu’a lieu ce pow-wow, que tout ce monde se rencontre (condition presque obligée avec la présence du grand orgue dans l’instrumentarium). Caverne ? « Tente tremblante » pour une guérison collective ? Voûte étoilée qui évoque quelque « Trop-grand », quelque « Plus-grand-que-soi » ?
Inspirations : encore une fois (comme pour mon concerto Adonwe), la lecture de la « bible » de Bruce Trigger sur l’histoire du peuple huron (Les enfants d’Aataentsic); les impressionnants totems et sculptures des Amérindiens de la Colombie-Britannique, vus au Musée d’anthropologie de Vancouver (dans le non moins magnifique écrin de l’architecte Arthur Erikson); les tableaux d’Emily Carr et du Group of Seven.
J’avoue cependant une incohérence : les matériaux mélodiques des « protagonistes » proviennent tous deux de chants du répertoire grégorien : l’hymne Veni Creator (« Viens, Esprit créateur ») et l’Introït de la messe de la Septuagésime Circumdederunt me (« M’entourent les gémissements des morts, les douleurs de l’enfer m’entourent »). À part cela, il y a des modes non octaviants et toutes sortes de techniques, employées dans la même foulée créative et somnambulesque que le Quatuor Rosemont. Inventions locales qui a précédé HoMa. Les fréquentes rugosités harmoniques sont voulues et recherchées : ce beau monde ne fait pas toujours dans la dentelle…
Dédicace : aux Premières Nations et à ceux qui se sont installés dans ce pays par la suite. Que nous nous parlions. Et puis aussi à Walter Boudreau, autochtone jusqu’au bout des souliers et de la baguette, et aux musiciens de l’Ensemble et aux artisans de la SMCQ.
La composition de HoMa a été rendu possible grâce à une subvention du Conseil des arts du Canada.
Michel Gonneville
Août-septembre 2007