Microphone Songs
pour voix, six instrumentistes et traitement (2002-2009)
durée : 19 minutes
Texte complet Microphone Songs
Partition complète Microphone Songs (parties I, II et III)
avec la permission de ATMAClassique (Mouv. I et II : Michèle Motard, ECM, dir. Véronique Lacroix)
= = = = =
Parties I (Spyscrapers) et II : Instructions (Rebellious Circles)
Lorsque le Crash Ensemble d’Irlande a décidé de me commander une pièce pour l’événement Montréal-Dublin organisé par Concerts M, ma fille Laurie m’avait déjà initié à certaines musiques de la chanteuse islandaise Björk et du groupe anglais Radiohead, dont les enregistrements résonnaient dans la maison et dans l’auto pendant la période des vacances estivales. J’ai découvert qu’il y avait là, parfois, comme aussi chez Portishead et plus anciennement chez Gentle Giant, le groupe admiré de ma jeune vingtaine à l’affut des expérimentations musicales, d’assez surprenantes réalisations sur les plans de la recherche sonore et timbrale, de la forme, du rythme et de la mélodie, cela en comparaison avec le conformisme de la musique pop assujetie aux dictats de la commercialisation. Comme le répertoire de l’ensemble commanditaire comportaient des pièces se rapprochant de techniques ou s’inspirant de l’esprit des meilleures musiques de ce genre (« pop progressistes » ?), j’ai tout de suite décidé d’écrire une pièce qui leur soit, entre autres choses, un hommage.
Je demandai également à Laurie de m’écrire un texte que je puisse mettre en musique pour cette œuvre. Ce texte reprend des thèmes que nombre de chansons progressistes actuelles développent et qui font écho aux préoccupations non seulement des adolescents et jeunes adultes actuels mais aussi des adultes mûrs, lorsqu’ils mesurent leur impuissance face à ce qui les indigne ou les attriste. La première partie donne la parole à un sujet heurté par les incohérences et agressions omniprésentes de la « civilisation » alors que la deuxième partie décrit l’attitude qui semble la plus adéquate pour dépasser ce sentiment d’impuissance, quand les mots et la conscience ne suffisent plus et que l’action sur le monde ne trouve pas de débouchés.
Dans sa propre logique, ma musique intègre des motifs, des idées formelles, des couleurs ou des transformations timbrales de Pluto de Björk et de Kid A, Pyramid song et Revolving doors de Radiohead. Pour moi, ce geste est du même ordre que celui, par exemple, de Beethoven intégrant une chanson populaire de son époque dans l’une de ses œuvres. Pour rester près de la source d’inspiration, il s’agissait de trouver l’équilibre entre sophistiquation et envie d’expression directe. Une partie du « problème » de la musique contemporaine s’articule dans ce mouvement et cette recherche…
Le titre fait référence à trois fonctions du microphone : celle d’exagérer jusqu’à outrance les fortissimo (l’impatience, l’indignation, la rage, la révolte), celle d’aller chercher le quasi-inaudible (l’intime souffrance ou les mouvements imperceptibles de la paralysie) mais surtout celle d’acheminer le son capté vers des traitements éventuels (transformation du connu, création d’autres perspectives).
Michel Gonneville, décembre 2001
Addendum 2009
Partie III : The Joy of Construction
avec la permission des interprètes (Mouv. III : Michèle Motard, ECM et Proxima Centauri, dir. Véronique Lacroix; concert 3 mars 2010)
Profitant du projet de reprise de Microphone Songs dans le cadre d’une collaboration entre l’ensemble Proxima Centauri de Bordeaux et l’Ensemble contemporain de Montréal, la directrice de l’ECM+, Véronique Lacroix, m’a demandé si je voulais écrire une suite à cette œuvre, qui l’allongerait d’environ 6 à 7 minutes. J’ai tout de suite accepté, en sachant que cette troisième partie serait un hommage, cette fois, à Gentle Giant. Convoquée de nouveau, Laurie, qui avait été plongée dans cette musique dès sa plus tendre enfance, a produit un nouveau texte propulsant maintenant la protagoniste des deux premières parties dans le monde de l’action et de l’engagement. Devenue géante à son tour et initiée à la dure, cette dernière trouve sa place dans le chantier du monde et, consciente, à la fois distanciée et enracinée, y affirme finalement son chant : I am ready. I am so very hungry now.
La structure de la pièce a été inspirée par la pièce On Reflection tirée de l’album Free Hand de Gentle Giant. Aucun groupe rock de l’époque ne pouvait se vanter de composer et d’interpréter une exposition de fugue à 4 voix avec cet art ! L’écriture fragmentée ou en hoquet qui se retrouve dans plusieurs pièces de Gentle Giant est également devenue une caractéristique majeure de The Joys of Construction. Enfin, tout naturellement déduite des principes d’imitation décalée de la fugue, la technique de délai avec transposition s’est imposée en ce qui a trait au traitement numérique des sources vocale et instrumentales.
Décembre 2009